Vinisud, c’est le rassemblement des producteurs du sud de l’Europe et de la Méditerranée qui se tient tous les 2 ans à Montpellier (en alternance avec Vinexpo Bordeaux). Les exposants sont très majoritairement français : Sud-Ouest, Rhône Septentrional et Méridional, Provence, Corse, Roussillon et bien évidemment Languedoc qui occupe une position dominante dans la représentation sur le salon.
On vient y déguster les nouveaux millésimes des domaines avec lesquels nous travaillons déjà, et goûter des quantités de crus pour découvrir les stars de demain.
Une frange des producteurs est habituellement plutôt absente de ces grands raouts : les vins naturels (bio, biodynamie, …). Les vignerons sont souvent présents dans les « off » en marge des salons. Pour certains, on ne se mélange pas ou on considère que le prix des stands ne vaut pas la peine, sans pour autant se priver de profiter de l’aubaine d’un tel événement.
Concrètement, notre équipe de sommeliers goûte des centaines de vins chaque jour, le plus souvent possible ensemble afin de partager les avis de retour à Paris et vous proposer les meilleurs vins disponibles à la vente comme lors de nos cours d'oenologie.
Evidemment, suivant la puissance en tanins ou en alcool des vins, notre palais sature plus ou moins vite. Mais même lorsque nos facultés gustatives sont altérées, nous avons appris avec les années à identifier le biais pour moins tenir en compte. Par exemple, si nous commençons à trouver tous les vins sucrés alors que ce n’est pas le cas, on prêtera moins d’importance à cet aspect. Sinon, la méthode la moins avouable et très efficace : une bière !
Cette année, plusieurs choses nous ont marqués, notamment l’organisation en nette progression par rapport aux précédentes éditions. Malheureusement, crise oblige, il nous a semblé que la fréquentation n’était pas au rendez-vous.
Les bataillons venus d’Asie sont étonnamment absents des allées de VINISUD. Inquiétant lorsque l’on sait que Vinexpo comme les primeurs bordelais font le plein.
Pas si étonnant lorsque l’on repense à l’état d’intérêt et d’éveil au vin des Chinois perçus lors de Vinexpo Asie à Hong Kong en 2010. Les Chinois semblaient totalement accaparés par la collection d’étiquettes de très grand prestige. Pas les crus classés comme un français snobe, uniquement les 1ers Grands Crus Classés tels Château Lafite Rothschild ou Château Margaux et les stars de Bourgogne comme la Romanée Conti.
Question : S’il faut 15 ans, parfois une vie pour faire sortir le consommateur français des étiquettes bordelaises, combien de temps un consommateur Chinois qui débute dans le vin en s’offrant un Lafite mettra-t-il à découvrir le Languedoc ?
Une surprise au retour, notamment dans le Parisien reproduit ci-dessus : les articles de presse qui prennent l’angle asiatique pour insister sur leur présence (fantomatique selon nous) dans les allées du salon. Les articles étaient-ils prêts avant le salon ?
Un exemple ici.
Ce que veulent les femmes
J’ai pu vérifier grâce aux centaines de dégustations animées par VintéGraal que les femmes dégustent souvent « mieux » que les hommes, avec moins d’a priori, moins de snobisme. Mais de là à imaginer qu’il y a un goût de femme en matière de Vin, un goût de Vin fait par une femme, un goût de vin censé plaire aux femmes…
Le plus délicat des Cahors vinifié par une femme sera rarement plus élégant qu’un Chambolle-Musigny même vinifié par un « bourrin ». Et si le cépage, le terroir, la vinification dépendaient un peu moins des chromosomes qu’on ne le croit ?
Je suis toujours convaincu que le vin au féminin est une tarte à la crème.
Il y a surtout, comme en tous domaines, des manières de parler à une femme, un contexte différent à créer car le comportement d’achat et de consommation est à l’évidence différent… Donc un intérêt principalement marketing à cette notion de Vin au féminin.
La vraie bonne nouvelle consiste en ce
qu’on parle enfin aux acheteurs de vin qui
sont en fait des acheteuses la plupart du
temps (90% du vin est acheté en grande surface
où les hommes qui poussent le caddie demeurent
minoritaires), et que les femmes se libèrent de
l’insupportable emprise de l’homme à qui l’on
tend systématiquement la carte des vins
au restaurant.
(Le Parisien du 5 Mars 2012)
Triste toutefois de voir des femmes créer des groupes de « vigneronnes » et d’utiliser ce seul axe de communication et de promotion. Comme si être une femme donnait le sésame pour produire du bon vin ou à tout le moins un vin différent. Le spectacle de ce stand regroupant des domaines sans autre lien que d’être tenus par une femme ne m’inspire pas.
Je suggère aux communicants plus d’audace avec le lancement des domaines vinifiés par des rousses.
Qui disait : « femmes et hommes seront égaux dans le travail le jour où on nommera une femme incompétente à un poste clé » ?… Soyons rassurés, j’ai goûté largement autant de mauvais vins de femmes que de mauvais vins d’hommes.
La féminisation qui m’intéresse est beaucoup plus réjouissante : des 2 côtés du stand (exposant-visiteur), les femmes se pressent. Elle est là l’avancée tant attendue. Il n’y a pas eu besoin de quotas. Peut-être que le matraquage médiatique des sujets « femmes et vins » y a contribué. Si oui, c’était leur seul mérite.
La conséquence est que nous recevons nombre de CV de femmes à La new cave, que des clients même d’âge mûr se laissent guider par une femme… De là à ce que le sommelier tende la carte à une femme au restaurant ? Le jour où l'on y joindra le menu avec les prix ?
La qualité au service du Marketing
Le salon est organisé par stands, parfois partagés entre plusieurs producteurs amis ou d’une même région. Et moins glamour mais très efficace : il y a d’immenses espaces avec des tables regroupant une cuvée de chaque domaine présent sur le salon qui a bien voulu fournir cet espace. Du coup, des vins inconnus côtoient des cuvées jouissant déjà d’une petite notoriété.
Cet exercice est physiquement usant et même parmi les professionnels qui peuplent le salon, peu se risquent à courir un tel marathon.
Bonne nouvelle : le niveau général des vins que nous jugeons en dégustant à ces tables est remarquable. Il est évident et à mon avis peu contestable que le niveau moyen de qualité augmente sensiblement. C’est une forme de standardisation, opérée par les vins du nouveau monde avant les français.
La progression nous semble plus marquante dans le Languedoc que dans le sud de la Vallée du Rhône. Un exemple concret, en dégustant sur les tables de « Côtes du Rhône », aucun vin ne nous a incités à aller visiter le stand du domaine alors que de nombreux vins de l’espace « Sud de France » et « Palais Méditerranée » ont retenu notre attention.
Une explication pourrait consister en un moindre dynamisme des domaines jouissant d’un nom « Côte du Rône » déjà considéré comme qualitatif par les consommateurs qui ont plus de sympathie pour ce nom que pour les Coteaux du Languedoc » par exemple.
Mais pour relativiser, on doit aussi s’interroger si les tables des Côtes du Rhône présentent vraiment les stars du vignobles (c’est le cas pour le Languedoc) car ces domaines sont souvent regroupés en dehors des Côtes du Rhône sur des stands comme : « les Toqués », « Rhône Vignoble », …Je remarque aussi des efforts de
"packaging" d'une majorité de
domaines. Il y a encore 2 et 4 ans,
un effort en la matière de la part
des domaines français signifiait
très souvent des "jus" intéressants
à déguster. Mais avec la généralisation
des habillages soignés pour "sortir du lot",
la règle, même aléatoire, de s'applique plus.
Nous en sommes réduits à goûter encore
plus pour ne pas se laisser piéger !